On the road to wilderness : le jour se lève sur une nouvelle aventure !

A peine remis de l'overdose de burgers ricains (CR à venir), nous (l'ENAM et moi-même) décidons sagement de mettre le cap sur une destination susceptible de mettre nos pauvres estomacs dans le même état de souffrance que précédemment : le Canada ! On prend les mêmes, on saupoudre de neige, et on recommence !

Direction Canmore pour trois semaines consacrées à la pratique hautement sécurisante de l'escalade de cascade de glace et mixte. Au menu : ancrages aléatoires, glace aérée, broches à demi rentrées, spindrifts et autres avalanches, indigestions, sourires crispés, et toujours le même mot d'ordre, "en glace on ne tombe pas" ! Que du bonheur...

Comme par chance on a réussi a tous rentrer entiers ou presque on en rigole bien maintenant en posant nos bières sur la table avec grand fracas, et on a donc fait un film qui transcrit bien notre état d'esprit aventureux de l'après-coup. Je suis personellement bien content d'exhiber ces images qui relatent, avec brio et fidélité, notre fière conquête de la glace des rocheuses Ouest-canadiennes.

  TomTom au pied du Gaza Wall...

Tout commence par un phrase lancée en l'air, comme ça, dans la voiture, les avant-bras bien gonflés d'acide encore chaud :

"- Ca me dirait bien d'aller équiper des trucs, un des ces quatre...

- Bah ouais, grave...

- Mais bon avec tous ces mauvais acharnés de cuvettards, y'a pas un seul misérable bout de caillou qui n'ait été truffé de spits, bricolé (ou pire encore) à des kilomètres à la ronde... Quand tu penses qu'ils sont allés équiper une bouse comme (par souci de ne froisser aucun ego, nous tairons le nom du site en question, seule entorse au dialogue autrement fidèlement rapporté), faut vraiment être mort de faim ! En tous cas, aucun espoir de mettre la main sur un truc potable...

- Héhé... (les yeux du TomTom s'allument d'une étincelle de malice) ... sauf si tu sais où chercher !

- Quoi ça ??

- Bah j'ai un projet d'ouverture quelque part vers chez moi... Mais chut ! C'est un secret... (il faut toujours jouer le mystérieux pour appâter le chaland, et cette fois comme toutes les autres, ça a évidemment fonctionné)

- Du genre ?

- Du genre une barre vierge...

- Avec du beau caillou ?

- Du pur calcaire avec des trous ronds et plats...

- Quel style ?

- Bon dévers, ça penche dru...

- Sur le plateau ? (du vercors, ndlr)

- Ouep...

- Et c'est haut ?

- Bah 20/25 mètres...

- Mais c'est quoi l'embrouille là ?

- Pas d'embrouille gars, c'est juste qu'il faut un peu bartasser pour y aller. Tu verras..."

Moyennement rassuré par la conclusion du compère, je flairais la baleine cachée sous le gravier, conforté dans mon idée par l'obstination (frisant le tétuisme) avec laquelle ce fourbe de TomTom refusait systématiquement de lâcher la moindre info supplémentaire quant à son secret spot. Cependant ses airs de conspirateurs m'avaient intrigué, et je me retrouvais con comme la truite qui ayant gobé une mouche bien juteuse ne se rend compte de l'arnaque qu'une fois bien ferrée... En conséquence, je ne pus qu'aquiescer lorsque je reçus un texto annonçant la première session collective d'équipement de la "Barre Gerblé" (et oui entretemps le nom avait été trouvé, et personne n'avait rien à y redire). Bon.

Je me trouvais un peu marron quand j'appris, deux jours avant ladite session, que finalement le collectif se transformait en duo, les foules d'équipeurs surmotivés s'étant subitement éparpilllées, chacun ayant mieux à faire ces deux jours... Méfiance et moue dubitative... Devant le refus d'obstacle du troupeau, l'envie me titillait de le suivre dare dare, et de rapidement retirer mes billes de cette affaire qui ressemblait fort à un traquenard. Mais bon j'avais dit oui, et puis le TomTom allait se retrouver tout seul, et puis le fol espoir que peut-être tout ça n'était pas une blague subsistait en moi.

Profitant de ma position de force de dernier partenaire potentiel, je négociais ferme et obtint en compensation l'envoi de quelques photographies du bébé... Hahaaa!

Mon impatience n'eu d'égal que le désappointement qui la suivit immédiatement...

La pub de TomTom... Vendeur, non ?

Le mythe s'effondrait ! Force était de se rendre à l'évidence : j'avais bel et bien été victime de mon manipulateur de pote... On distinguait bien quelques trous, mais la ressemblance s'arrêtait là ! 5 mètres tout au plus, dans des fissures terreuses, et puis franchement  il l'a fumé son dévers, le vil gredin ! Tout compte fait ça ressemble plus à la bouse pré-non-citée qu'à la nouvelle Céüse, et voilà j'avais raison encore une fois, pas étonnant que ça soit encore vierge ce tas de pus !

Bon bah maintenant tant pis, c'est trop tard, de toute façon le weekend est perdu alors tant qu'à se faire ch.. autant aller randonner dans le vercors avec TomTom et sa boule de poils. Ca m'apprendra à écouter les bonimenteurs !

L'histoire aurait pu s'arrêter là, et personne ne l'aurait jamais racontée (à part peut-être quelques médisants pour se foutre allègrement de ma pauvre pomme...) mais c'était sans compter sur le talent du garçon pour mal se servir des appareils photographiques à sa disposition... Lorsqu'après une heure de bartasse dans les orties je levais enfin un regard désabusé sur la barre, c'était pour voir ça :

Sisi c'est la même falaise... En regardant bien on peut retrouver le bout photographié par l'ami TomTom ! Y arriverez- vous?

Bref, la suite est moins amusante à raconter et puis surtout on a fait un flim qui montre tout ce qu'on aurait mis vachement de temps et d'effort à écrire, alors...

D'aucuns qualifient volontiers la pratique de l'alpinisme et de l'escalade de grandes voies de plusieurs longueurs en terrain d'aventure dans le massif du Mont Blanc de confortable. Soit. La présence des trains, bennes et autres hélicoptères bourdonnants apporte sinon une présence rassurante (quoique potentiellement oppressante), du moins la possibilité de s'épargner de longues et pénibles randonnées pédestres, et permet au pékin moyen de rentrer rapidement dans le vif du sujet : la montagne austère, sauvage, et autant déserte qu'elle est vierge.

Néanmoins, et si j'ose me permettre de poser une question de manière un poil brutale, cet état de fait de rentre-t'il pas quelque part en contradiction avec la recherche de totale liberté qui sous-tend à mon sens la pratique de l'alpinisme de haute montagne ?

Tenez, par exemple : les horaires. Quoi de plus déstabilisant que, à peine posé le pied à terre après de  longues heures passées en apesanteur au presque bout du monde, il faille ranger les affaires à la hâte et courir à tombeau ouvert en direction de la  mer de glace pour choper le train ?! Mais c'est un trip de parisien, ça, de "courir pour choper le train" ! Si je suis là, c'est quand même aussi pour fuir la frénésie imposée par la mégalopole grenobloise, m***e (zut) ! Les signaux de douleurs envoyés compulsivement par les genoux torturés au bout de deux minutes de course ne prêtent cependant pas à confusion : la perspective de rallonger de trois heures la redescente à la maison vient indéniablement ternir l'idée au demeurant agréable d'envoyer poliment ces messieurs les contrôleurs d'aller voir en bas si j'y suis, avec leurs pass à 60 boules les deux jours et leurs feuilles d'horaires sur lesquelles un sournois bureaucrate a arbitrairement décidé que l'été s'arrêtait le 26 août, et qu'à compter du 27 août, jour d'aujourd'hui, le dernier train ne partirait pas à 18h30, mais à 17h30, et puis c'est tout.

Il faut alors ravaler péniblement son égo de jeune alpino-philosopho-résisto-alterno-révolutionnaire, et accessoirement sa salive, afin de se concentrer sur là où poser les pieds parce que ça serait quand même con de se ramasser la gueule par terre en descendant une put*** de via ferrata de mouliste, et aaaaargh on a une demi heure pour descendre ces échelles de malheur, courir en basket sur la glace, traverser le chaos de blocs instables en sautant de l'un à l'autre, re-les échelles de malheur, mais à la montée silvouplait cette fois-ci, encore trois mauvais lacets et... non mais c'est pas possible on y sera jamais.

Quand, une heure et des brouettes plus tard, nous atteignons enfin la gare tant décriée, moche en plus, et pire maintenant qu'elle est complètement déserte, elle fait tâche, en plus le bitume fait mal aux pieds bande de... mais ? C'est du bruit que j'entends ? Et là une casquette que je vois ? Comment ? Vous avez rajouté un dernier train en raison de l'affluence ? Dans mes bras mon sauveur ! Je vous aime ! J'aime cette vallée ! J'aime ces japonais incrédules qui sont les témoins malgré eux de ma danse de la joie ! Vive la science, vive le progrès, et vive la compagnie du Mont Blanc.

ps : sinon on a aussi grimpé, avec Manouche la cousine-compagnonne d'infortune, deux voies majeures : l'Elan Vertical aux Flammes de Pierre, et Le Fou de l'Aiguille à l'Aiguille du Midi (face S). Tout est imagé ci-après.

Décidément passé maître dans l'art de traquenarder mes partenaires, je profite de la baisse de la vigilance post-première-bière-du-soir de Dr. Nical pour l'entraîner dans une idiotie de mon cru : aller fendre la dernière-née de la paroi du Duc, Ayahuasca.

Sur le papier tout a l'air bon : la ligne est à l'évidence majeure, je l'avais repérée en mai dernier en faisant un tour dans sa voisine Série Limitée, nous avons le topo en notre possession, les cotations annoncées semblent tout à fait à notre portée, de toutes façons Nico est une vraie machine et moi ben je me sens en super-canne en ce moment. Pour ne rien gâcher le nom est aguicheur, et résonne à nos oreilles comme porteur d'évocations hypnotiques délicieusement tentantes. En fait la seule question qui se pose à ce moment-là du match est : à quelle heure faut-il se lever pour rester à l'ombre tout du long et pouvoir concasser la belle de pied en cap?

Sauf que... Quelques éléments auraient d'ores et déjà dû nous mettre la puce au cérumen. D'une, il est déjà deux bières du soir (et oui on a eu le temps d'en reprendre une entretemps). De deux, la température ambiante à cette heure avancée refuse de tomber en-dessous des 30°C (à vue de nez). De trois, la séance de la journée au secteur Hulk ne dénotait pas vraiment d'une ulk-time (blague copyright nico odier) tenue de colos dans nos rangs, voire au contraire d'une surprenante capacité de celles-ci à mettre rapidement nos doigts dans un état de décrépitude avancée. Enfin, qui dit rocher neuf dit avant tout rocher sale, surtout que comme nous devions nous en rendre compte fort peu de gens sont suffisamment bêtes ou imbus de leur personne pour penser que le verdon est l'endroit idéal pour aller faire de la grande voie d'escalade de plusieurs longueurs soutenues en pleine canicule d'août.

Tous les éléments étaient donc réunis pour que nous nous fassions administrer une sévère correction, et effectivement nous la prîmes de pleine face. La 3e longueur (sur 10, ndlr) sonna le glas de nos ambitions d'enchaînement, d'escalade libre, et peut-être même d'escalade tout court. Dans un florilège de noms d'oiseaux, de jetés-sur-cades et de rallongement de pédales-mais-c'est-pas-possible-même-le-tire-clou-est-extrême-dans-ce-truc, nous recentrâmes nos volontés sur un objectif plus réaliste :  sortir de cette mer*e au plus vite et aller baigner nos corps meurtris dans l'onde fraîche qui nous nargue depuis ce matin ! Ca c'est de l'éthique.

La vidéo :

Les photos :

Direction le briançonnais, où je retrouve ce néo-prof de Stoff et réussis à le convaincre que la meilleure manière de se remettre à la grimpe après 3 mois d'abstinence est à l'évidence d'aller faire une des nombreuses ABO des Cerces, qui sont bien connues pour leurs cotations discount et leur caractère déroulant...

"Une des voies les plus difficiles des Cerces" dit le Cambon, qui comme d'habitude ne mâche pas ses mots quand il s'agit de la "Ôte difficulté", et n'hésite pas à parler de dalles "raides, voire surplombantes", ce qui nous fait doucement ricaner quand on lit le topo. Le lendemain, sortant l'ensemble de l'arsenal tant mental que technique pour venir à bout de pas très subjectivement évalués à 7a bloc dans des longueurs de 6c, nous fûmes néanmoins bien obligés de troquer nos sourires narquois pour de vilaines grimaces, et donner le point au Cambon. Pour cette fois.

La vidéo :

Les photos :